Le marché immobilier retrouve la raison après deux années de folie. La réalité économique reprend le dessus dans un contexte où les incertitudes sont multiples. L’évolution des prix se complexifie aussi avec, à l’avenir, des hausses qui concerneront principalement les biens rénovés et bien situés.
1 L’activité immobilière va-t-elle rester élevée ?
Elle était en recul au premier semestre (-1,8%), selon les derniers chiffres des notaires. La tendance s’est prolongée durant l’été. Il faut toutefois relativiser cette baisse du nombre de transactions car elle est comparée à l’année 2021 qui a été particulièrement explosive sur ce plan. L’activité retourne en fait dans des standards pré-covid. «Il n’y a rien d’inquiétant à cette diminution, relève Renaud Grégoire, porte-parole des notaires. L’année 2021 avait connu une grande frénésie. La baisse de l’activité est liée au fait qu’il y a un peu moins d’amateurs. Un phénomène d’attente se dessine, tant de la part des acquéreurs que des vendeurs.» L’incertitude a fait son apparition dans le dictionnaire immobilier ces derniers mois. Un mot qui ne faisait pas vraiment partie des habitudes et auquel les acquéreurs doivent s’habituer. «Je n’ai pas de boule de cristal mais l’activité immobilière devrait continuer à diminuer d’ici la fin de l’année», poursuit Renaud Grégoire. D’autant que selon Smartblock, spécialisée dans les datas en immobilier, le stock de biens anciens mis en vente en Belgique est en hausse. Il a augmenté de 7 % en un an.
2 Les prix vont-ils encore augmenter ?
Selon ING, une hausse des prix de 5 % est attendue en 2022. Elle sera toutefois plus faible que l’inflation (estimée à 9 % pour cette année), ce qui rendra la croissance réelle des prix négative. «Pour 2023, nous prévoyons que les prix stagneront, estime Wouter Thierie, économiste chez ING.
En effet, la hausse des taux d’intérêts hypothécaires et l’affaiblissement de la croissance économique ralentiront la croissance des prix. La hausse des taux d’intérêt réduit la capacité d’emprunt des ménages, ce qui exercera une pression à la baisse sur les prix de l’immobilier. Elle réduira également la demande de biens immobiliers. En revanche, nous prévoyons une bonne tenue du revenu réel disponible grâce à une forte croissance de l’emploi et à l’indexation automatique des salaires soutenant la croissance des prix.»
Mais le véritable enseignement en matière d’évolution des prix, c’est la segmentation toujours plus grande de ces hausses. A l’avenir, seuls les biens rénovés et correctement localisés connaîtront encore des hausses de prix. Pour les autres, des baisses de valeurs sont attendues.
3 Faut-il acheter maintenant ou attendre que la situation se calme ?
Les hausses de prix déraisonnées observées pendant le covid et après sont derrières nous. La réalité économique a repris le dessus vu le contexte ambiant. Reste que si les hausses s’atténuent, les prix ne diminueront pas. Et les taux ne reviendront pas avant longtemps au niveau observé en 2021. Le marché est aujourd’hui bien plus sain. Les biens mis en vente avaient ces derniers temps une durée de vie de deux semaines. Il faut désormais, en moyenne, patienter six à huit semaines pour vendre son bien. Les gens ne se jettent plus comme avant sur n’importe quelle maison ou appartement. Avec la hausse des prix de l’énergie, le coût des matières premières et l’explosion des coûts des travaux de rénovation, les acquéreurs y réfléchissent dorénavant à deux fois avant de se lancer dans un projet. » Et Eric Verlinden, co-CEO du fond d’investissement immobilier Goddart Loyd, d’ajouter: «Aujourd’hui, les prix retrouvent leur valeur réelle. Cela ne signifie pas qu’ils sont en baisse. Juste qu’ils retrouvent des standards qui sont davantage en adéquation avec la réalité».
4 Jusqu’où vont grimper les taux hypothécaires ?
Les premiers signes d’un essoufflement apparaissent en fait déjà. Selon le baromètre des taux d’intérêts d’Immotheker Finotheker, les taux hypothécaires sont passés de 1,4 % début février à 3,2% à la fin septembre pour un prêt sur 20 ans. «Nous pensons que les taux hypothécaires ont probablement déjà atteint leur sommet, estime Wouter Thierie, économiste chez ING.
En effet, les taux hypothécaires résidentiels sont fortement corrélés aux taux belges à long terme. Or, les taux à long terme ont fortement augmenté au cours du premier semestre de l’année. Mais le sommet semble déjà dépassé, car les taux à long terme sur la dette belge ont commencé à redescendre. Ainsi, le 19 août, le taux à 10 ans sur la dette belge s’établissait à 1,8 %, bien en deçà du sommet de 2,4 % atteint à la mi-juin, mais toujours supérieur au niveau du début de l’année (0,2 %). Par conséquent, nous pensons que les taux hypothécaires vont se stabiliser à court terme, mais rester durablement supérieurs aux niveaux observés ces dernières années.» Précisons que, en théorie, une hausse des taux entraîne une diminution de la demande de logements, ce qui aura pour conséquence de freiner la croissance des prix.