Remontée des taux, fin de l’euphorie… pourquoi les prix de l’immobilier devraient moins progresser
ING dévoile au « Soir » ses prévisions pour le marché immobilier de cette année. Verdict ? Les prix devraient continuer de progresser, mais bien moins qu’avant. La hausse est même quasi nulle si l’on prend en compte les prévisions d’inflation. Les taux, eux, ont commencé leur remontée.
Tout le monde s’y attend dans le monde de l’immobilier : dans les prochains mois, le marché devrait ralentir. Ou tout au moins quitter la frénésie connue ces dernières années, particulièrement durant la crise sanitaire. Une nouvelle étude menée par ING confirme le ressenti de terrain et le chiffre. Les analystes de la banque prévoient une augmentation du prix moyen de 5,4 % pour cette année sur une base annuelle (contre 8 % en 2021). Honorable. Sauf que, cette année, l’ensemble des prix devrait croître d’autant, avec une inflation prévue au-delà des 5 %. « Concrètement, cela signifie qu’on s’attend à une croissance réelle des prix qui est proche de zéro, autour de 0,5 % précisément », commente Philippe Ledent, senior economist chez ING. Inquiétant ? Notre interlocuteur nuance. « Ça serait presque malsain que les prix continuent à augmenter comme ils l’ont fait ces deux dernières années. Un certain ralentissement paraît logique. » D’autant qu’en 2022, de nouveaux éléments s’invitent dans la balance.
Des mois qu’on la prédit, la voici ! La remontée des taux d’intérêt est bel et bien amorcée. « Depuis un bon mois et demi, on constate que les banques les ont augmentés pour les crédits hypothécaires. On le ressent aussi sur le trafic, qui est plus important sur notre site. Les gens cherchent plus qu’avant à comparer », confirme Alison Roquet, co-managing director de Topcompare.be. Même constat au sein du Guide épargne, un autre site de comparaison. « Si l’on regarde les prêts sur 20 ans fixes, on voit qu’il n’y a presque plus de taux négociés sous les 1 %. C’est un signal important. L’augmentation des taux est encore plus marquée pour ceux qui empruntent beaucoup », indique de son côté Brechet Coene, Business Unit Manager au sein de la plateforme. Dans son étude, ING table sur une augmentation des taux hypothécaires moyens d’environ 0,5 % cette année. La banque a fait ses calculs : si ce scénario se réalise, cela signifie une diminution de la capacité d’emprunt de 4,5 % (pour une hypothèque sur 20 ans). Faut-il pour autant se précipiter pour acheter ? Si le projet est bien avancé, il peut être intéressant de ne pas tarder pour bénéficier d’un taux très bas. Mais rien ne sert de foncer car personne ne s’attend à ce que la remontée se fasse de manière brutale. Rappelons aussi que les taux restent toujours à des niveaux historiquement bas.
L’effet « Fomo » s’estompe
Les futurs acheteurs devraient pouvoir souffler un peu. Selon ING, l’effet « Fomo » devrait s’estomper dans les prochains mois. Quésaco ? En anglais, ça donne Fear of Missing Out. « C’est la peur de ne pas participer à la fête », sourit Philippe Ledent. « Plus sérieusement, c’est la peur que si j’attends trop, je vais encore payer plus cher. » En clair, ça pousse les acquéreurs à signer rapidement pour ne pas manquer une opportunité. « Durant la crise, il est probable que cet effet était en partie lié à cette soudaine, mais sans doute éphémère, volonté de changer de cadre de vie, avoir un meilleur quartier, un jardin plus grand, plus d’espace, etc. » Cette tendance moins marquée, ajoutée aux conditions de financements moins favorables, l’effet Fomo devrait naturellement diminuer et avec lui la pression sur les prix.
Autre élément qui pourrait peser sur ces derniers, toujours à l’état d’hypothèse à l’heure actuelle : la question fiscale. Pour rappel, le gouvernement prévoit une grande réforme fiscale « sans tabou » avec, en potentielle ligne de mire, les investisseurs immobiliers. « Et ces derniers jouent un rôle très important dans le marché immobilier, surtout dans les villes. »
Enfin, il reste tout de même une série de facteurs pour soutenir le marché et permettre aux prix de se maintenir (et de rester positifs). ING épingle une offre qui reste inférieure à la demande. « Les principaux acteurs de l’immobilier (promoteurs, mais aussi agents immobiliers) continuent d’insister sur le fait que l’offre est trop faible. Même si les chiffres macroéconomiques à ce sujet ne sont pas faciles à interpréter », peut-on lire dans l’étude. La banque prévoit aussi toujours une croissance économique positive pour 2022 et 2023 (2,5 % cette année et 1,8 % en 2023). Un élément qui – avec l’indexation automatique – devrait soutenir la progression des salaires et maintenir ainsi les capacités d’emprunt des Belges.
Quel poids aurait la guerre en Ukraine ?
Une inconnue pourrait venir bouleverser tous les scénarios. C’est évidemment la guerre qui fait rage en Ukraine. Quel choc pour l’économie et donc, par ricochet, pour le marché immobilier ? « L’impact exact est très incertain », reconnaît d’emblée Philippe Ledent. Lui et son équipe ont pris l’hypothèse de sanctions qui durent longtemps et d’une situation qui ne s’améliore pas, sans se dégrader complètement non plus. « Dans ce cadre-là, on pourrait avoir un ou deux trimestres de croissance négative à cause du choc sur les prix de l’énergie. Mais on n’est pas face à une lourde récession qui se prolonge. » En revanche, si la guerre s’éternise ou s’amplifie, l’histoire sera évidemment tout autre. Avec des conséquences bien plus lourdes sur l’économie, sur l’emploi et donc sur le marché immobilier. Un développement que l’on préfère oublier pour l’instant.
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